Dans le cadre de la loi du « Grand Paris », le projet d’aménagement du Plateau de Saclay a été l’objet de discussions, mais beaucoup moins médiatisées que celles relatives au « Grand Huit ».
Les premières réactions sur le projet d’aménagement du Plateau de Saclay émanent d’associations locales de défense de l’environnement et de l’agriculture du Plateau (Amis de la vallée de la Bièvre, AMAP Jardins de Céres, SCI Terres fertiles , APACH, Terre et Cité, Amis du Grand Parc de Versailles…). Des élus locaux ont aussi fait des réserves sur la méthode adoptée par Christian Blanc et la politique d’aménagement « jacobine » suivie, avec un mode de gouvernance de l’opération plutôt contestée.
Plusieurs sénateurs socialistes ont donné leur position sur ce projet d’aménagement du Plateau de Saclay, parue sur un blog des Echos, texte repris ci-dessous. Cet article est suivi d’un extrait de la revue mensuelle du SNESUP, très hostile au projet et aux réformes actuelles de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Aménagement du plateau de Saclay : faux « cluster » et vraie usine à gaz
Le Grand Paris a été un thème central de la campagne des régionales en Ile-de-France. Les raisons de la débâcle électorale tant au niveau local qu’au niveau national ne sont toujours pas comprises par le gouvernement. Au niveau régional, les Franciliens demandent une autre vision de la métropole parisienne. Et si comme le président de la République l’a dit « à scrutin régional, conséquences régionales », le gouvernement doit impérativement revoir sa copie.
En effet, dans l’actuel projet de Grand Paris, le premier point qui fixe toutes les critiques est le projet de « super métro automatique ». D’un coût exorbitant, plus de 25 milliards d’euros, cette infrastructure de transports serait de surcroît inadaptée pour répondre aux besoins de déplacement des Franciliens, en raison de l’absence de connexions entre cette nouvelle ligne et les réseaux de transports existants.Mais, pendant que le feu des critiques se focalise sur ce grand huit, on occulte le second point problématique : la création, sur le plateau de Saclay, d’un pôle dédié à la recherche et à l’innovation. Pour favoriser le développement de ce « cluster », le gouvernement a décidé la création d’un établissement public visant à générer des synergies entre les établissements d’enseignement supérieur, les entreprises high tech, et les laboratoires publics et privés du plateau.
Le projet est louable. Mais la méthode employée constitue un frein à l’émergence et au rayonnement de ce pôle. Pourquoi est-il envisagé que le périmètre s’étende sur 49 communes des Yvelines et de l’Essonne, soit une superficie de 240 km² qui équivaut à 2 fois et demie la taille de Paris ? Cette démesure est contraire au fonctionnement même d’un « cluster », où la concentration des activités sur un périmètre restreint, doit permettre aux différents acteurs – chercheurs, enseignants, étudiants – de se rencontrer. Or, sur un périmètre aussi vaste, sans réseau de transport efficient, de telles rencontres deviennent aléatoires. Les conditions du succès d’un tel projet ne sont pas réunies.
Conscients des dangers d’une focalisation des moyens sur quelques sites privilégiés, nous défendons au contraire le principe d’une répartition équilibrée des grands équipements et des infrastructures de transports, indispensable pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales que subissent déjà nombre de Franciliens.
Le gouvernement cite souvent en exemple la Silicon Valley oubliant qu’à Santa Clara ou Palo Alto, c’est à chaque coin de rue que l’on rencontre une entreprise high tech. Le périmètre important est le résultat de la concentration d’entreprises, non sa cause. Plus proche de nous, le technopôle de Sophia Antipolis, un des plus réussis, ne fait que 24 km², soit dix fois moins que le projet de Saclay.
Pourquoi, surtout, le gouvernement refuse-t-il de reconnaître aux collectivités locales une juste place dans la gouvernance de l’Etablissement public ? Pourtant, la contribution des collectivités territoriales au financement d’équipements structurants tels que le synchrotron Soleil, Neurospin ou Digitéo Labs a été essentielle à l’essor de ce territoire et à la création de System@tic Paris Région qui s’est imposé comme le premier pôle de compétitivité français.
En écartant les élus locaux de la gouvernance de l’Etablissement public, le gouvernement oublie que la réussite d’un « cluster » repose aussi sur une forte dynamique locale et l’implication de tous les acteurs du territoire. C’est pourquoi les socialistes demandent que les collectivités concernées soient associées, en co-responsabilité, aux côtés de l’Etat, au choix et à la conduite des grands projets.
Le Grand Paris du gouvernement interpelle le modèle métropolitain sans apporter des réponses adaptées aux problèmes quotidiens des Franciliens : en termes d’accès à l’emploi, de logements, de déplacements domicile-travail… Les principaux défis auxquels sont confrontés les grandes métropoles d’aujourd’hui sont le défi démocratique, le défi écologique, le défi de justice sociale et territoriale et celui du vivre-ensemble. La métropole parisienne n’échappe pas à cette règle. Nous souhaitons le retour de l’Etat dans notre région. Pas d’un Etat autiste, prisonnier de conceptions surannées et faussement innovantes, mais d’un Etat stratège, qui sache associer les collectivités pour construire un projet métropolitain partagé, dans l’intérêt de tous les Franciliens.
Bariza Khiari
Sénatrice de Paris
Catherine Tasca
Sénatrice des Yvelines
Claire-Lise Campion
Sénatrice de l’Essonne
Serge Lagauche
Sénateur du Val de Marne
Liens externes:
Que cache la recomposition ? par Michelle Lauton
Article SNESUP (téléchargement mensuel d’information SNESUP avril 2010, en pdf )
L’opération Plateau de Saclay, entreprise en 2007, constitue un exemple de la politique gouvernementale.
L’ensemble du projet associe des établissements publics et privés. Outre le financement du Plan Campus (1,850 milliard), elle reçoit 1 milliard d’euros du Grand Emprunt et peut candidater à l’opération « Campus d’excellence ». Ce projet est piloté par la Fondation de Coopération Scientifique des RTRA Digiteo-Triangle de la Physique. Il implique le déménagement d’une bonne part de l’Université Paris-Sud (Orsay-Vallée avec des matériels scientifiques lourds, Pharmacie à Châtenay-Malabry, voire IUT à Cachan), avec à la clé une opération immobilière juteuse sur la vallée… Cela peut remettre en cause à Paris Sud des laboratoires existants, des collaborations engagées (biologie-pharmacie-médecine). Ce projet a été préparé dans la précipitation, malgré quelques échanges et votes en conseils, mais sans réelle consultation ni des personnels ni des élus locaux. Les personnels et les étudiants des autres centres (Droit, Économie-Gestion et IUT à Sceaux) peuvent être inquiets de leur avenir dans Paris-Sud ! Qui plus est, le PRES-UniverSud, non visible dans l’opération, pourrait être remis en question, ce qui confirme l’évolution de la conception gouvernementale du rôle des PRES. Le projet gouvernemental s’inscrit dans la Stratégie nationale de recherche et de l’industrie (SNRI) privilégiant le « transfert de technologie ». Avec le poids pris par les contrats sur projets (ANR ou autres), cela risque de modifier profondément la nature de l’université (type de formations, thématiques de recherche).
Et le projet cache des processus de « mutualisation » entre laboratoires, ou entre laboratoires et organismes, voire
avec les entreprises privées, qui conduiront à une diminution de l’emploi scientifique public et privé. Par ailleurs, les
infrastructures existantes (notamment, routes et transport en commun) sont largement insuffisantes. Dans le contexte de l’Ile-de-France où les propositions du Conseil régional se heurtent à la politique gouvernementale en faveur du Grand Paris (en cours d’étude au Parlement), comment de nouveaux transports collectifs pourraient voir le jour avant au moins dix ans, quand bien même les financements seraient immédiatement disponibles ? Ce projet paralyse aussi un programme de rénovation des bâtiments de Paris Sud, et fait travailler et étudier dans des locaux non chauffés ou dans des conditions de sécurité incertaines.
Cela suscite la colère et l’intervention du SNESUP et du SNCS. ●
C’est un peu le « rêve américain » sans la société ni les moyens pour suivre …
Le réveil sera douloureux !
Mais pour qui !?
Mamouchka.