L’importance des sciences pour le futur de l’Europe apparait comme une évidence dans la plupart des pays membres de l’Union. Leur enseignement a été abordé lors d’un colloque organisé au niveau européen, Scientix. Les initiatives intéressantes ont été exposées, dont celle du NSLC (National Science Learning Centre).
Le développement de la recherche scientifique et de l’innovation est un des enjeux du campus Paris-Saclay. Encore faut-il que les filières scientifiques attirent les jeunes, et développent leur intérêt pour les sciences.
Comment le Royaume-Uni renouvelle son éducation aux sciences
La Grande-Bretagne a mis en œuvre une nouvelle stratégie l’éducation scientifique, avec la formation et la valorisation des enseignants du primaire et du secondaire, que l’on met en contact avec les chercheurs.
C’est un reportage de Knowtex sur le sujet (repris par Owni), que je cite en partie. Avec un bel hommage au rôle des enseignants du primaire et du secondaire.
C’est avant leur arrivée dans l’enseignement supérieur, qu’il faut donner aux jeunes le goût de la découverte et la science. La « Main à la Pâte est une excellente avancée, pas suffisamment répandue, la Cité des Sciences est un lieu magique. Mais il reste du chemin pour atteindre un large public parmi les jeunes.
La démarche John Holman, avec le « « National Science Learning Centre » [Centre national d’apprentissage des sciences] , peut nous donner quelques idées.
Quelle formation proposez-vous aux enseignants ?
Prenons l’exemple d’un groupe de professeurs de physique. Pour suivre une de nos formations, ceux-ci se déplaceront pendant trois jours dans notre centre. Nous disposons de notre propre hôtel et de notre propre restaurant. Pendant ce séjour, nous leur présenterons un aperçu des recherches en cours (par exemple les activités du CERN ou le domaine de la physique des particules). Ils suivront également des sessions sur les nouvelles expériences qu’ils peuvent présenter à leurs étudiants. L’idée est qu’ils « piquent » quelques bonnes idées pour compléter leur enseignement.
Ensuite, ils rentrent dans leur école et mettent en œuvre un projet, avec leurs propres élèves, basé sur ce qu’ils ont vu chez nous. Deux ou trois mois plus tard, les enseignants reviennent dans le centre pour une nouvelle session de deux jours où ils évoquent ensemble leurs projets respectifs et suivent de nouveaux cours et ateliers. En tout, ils passent donc cinq jours ensemble. C’est très intense et finalement assez long, comparativement aux sessions classiques de formation d’une demi-journée ou d’un soir. Cette formation leur donne une expérience véritablement forte, qui marque le reste de leur carrière.
Comment avez-vous monté ce projet ?
En 2001 se sont tenues les élections législatives au Royaume-Uni. Dans ce cadre, chaque parti a produit un manifeste. Le « Labour Party » [Parti travailliste de Tony Blair] a indiqué dans le sien la volonté d’établir un tel centre pour l’éducation aux sciences. Ce parti a finalement gagné les élections et tenu ses promesses. Pour ce faire, ils se sont associés avec le Welcome Trust, une très grosse fondation qui brasse des milliards d’euros. Le gros de leur activité concerne la recherche médicale (malaria, VIH, santé mentale…). Cette fondation a réalisé que si nous voulons une recherche de bonne qualité, il faut de bons scientifiques et donc de bons professeurs. Ils ont décidé d’investir 25 millions de livres sterling [un peu moins de 30 millions d’euros] dans ce projet.
Le gouvernement et cette fondation ont alors lancé un appel d’offre auprès d’universités pour construire un tel centre. Nous – l’Université de York – avons remporté cet appel d’offre avec les universités de Leeds et de Sheffield, toutes situées dans le comté du Yorkshire. Nous avons utilisé 11 millions de livres [environ 13 millions d’euros] pour construire le bâtiment et le reste pour engager des gens et payer la venue des enseignants pendant les cinq premières années.
Que recherchez-vous dans une conférence comme celle de Scientix ?
J’ai été invité par « European Schoolnet » pour une intervention sur l’importance de l’éducation aux sciences en Europe et la manière dont nous pouvons l’améliorer. De la conférence Scientix, j’espère tirer de bonnes idées et faire des rencontres. Je suis particulièrement intéressé par les nombreuses activités développées en Europe de l’est. Ces nouveaux membres de l’Union européenne ont vraiment de très bonnes idées. Le niveau des sciences et des maths y est très élevé. La Hongrie, par exemple, a quelques-uns des meilleurs mathématiciens du monde. L’intérêt de cet événement est qu’il semble attirer des gens qui ne vont pas en général aux conférences internationales. Connaissez-vous l’expression « usual suspects » ? Elle désigne les gens que vous rencontrez tout le temps. Ici, j’ai croisé des habitués bien sûr, mais aussi et surtout des jeunes.
Qu’est-ce que les enseignants ont de plus que les chercheurs et ingénieurs, pour toucher les jeunes ?
Les professeurs sont ceux qui parlent directement aux personnes qui apprennent. Chacun peut toucher la vie d’une centaine de jeunes gens. Les professeurs d’université ne sont pas les plus accessibles, mais tant pis. Je crois que le futur réside dans les mains des enseignants du primaire et du secondaire.
Beaucoup de pays ne valorisent pas vraiment leurs enseignants. Ils n’ont pas un statut social très élevé. Pourtant, c’est la prochaine génération d’enseignants et d’activistes qui est importante car un tel projet se déroule sur 50 à 100 ans. Ce n’est pas quelque chose qui se met sur pied en 10 ans. Le challenge va devenir de plus en plus important pour former les scientifiques dont nous avons besoin.
>> Illustrations : portrait de Sir John Holman en CC by-sa par Scientix, autres photos sur Flickr, licence CC CARLOS62 Argonne National Laboratory, Scott Hamlin
>> Propos recueillis avec Stéphane Nai-Im Tholander
>> Article initialement publié sur Knowtex sous le titre Sir John Holman : l’éducation aux sciences est critique pour le futur de l’Europe
- Spécialisé dans l’enseignement scientifique, Scientix est un projet du réseau « European Schoolnet » constitué d’une trentaine de ministères de l’Education principalement en Europe. Il est financé au titre du Septième Programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et le développement. [↩]
- Voir la visualisation des tweets réalisée par Rahaël Velt. [↩]
- Camille Cocaud a évoqué celui de Bristol dans un précédent article [↩]
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