Bien que l’actualité soit riche, avec le débat public sur le Grand Paris, je reviens à une information parue cet été: deux médailles Fiels, le « Nobel des mathématiques », sont attribuées attribuée à deux chercheurs français, Ngô Bao Châu et Cédric Villani.
Ngô Bao Châu est Professeur de l’Université Paris-Sud 11 au Laboratoire de mathématiques d’Orsay (Université Paris-Sud 11/CNRS) et actuellement détaché à l’Institute for Advanced Study de Princeton (Etats-Unis). D’après le communiqué de presse de l’Université Paris-Sud et du CNRS:
Au-delà de l’attribution de cette médaille Fields, le Congrès mondial des mathématiques 2010 confirme l’impact du Laboratoire de mathématiques d’Orsay sur les mathématiques mondiales, puisque, parmi les 22 conférenciers français invités (un score qui place la France en deuxième position derrière les Etats-Unis), 13 ont soutenu une thèse ou une habilitation à l’Université Paris-Sud 11, ou y sont en poste. C’est donc la recherche et aussi la formation doctorale en mathématiques de l’Université Paris-Sud 11 qui sont ainsi récompensées.
La recherche mathématique française est mondialement reconnue, mais la politique actuelle inquiète certains spécialistes, comme Bertrand Monthubert, sur son avenir:
L’école mathématique française à l’honneur… pour combien de temps ?
La recherche, pour être fructueuse, nécessite de prendre des risques, de sortir des sentiers battus.
Il est intéressant de s’interroger sur les raisons de ces succès, mais aussi sur le fait de savoir si cette situation de rayonnement peut durer…
Les métiers de la recherche ne sont plus attractifs. Les jeunes s’en détournent, nos masters recherche se sont vidés. Il est devenu trop périlleux de se lancer dans un sujet audacieux en thèse, car c’est prendre le risque de mettre trop de temps pour la terminer, de ne pas publier assez. Mieux vaut donc s’engager dans des voies mieux tracées, aux résultats plus sûrs, et pour lesquelles il est plus facile d’obtenir des financements sur appels à projets. C’est le contraire de ce qu’il faut pour avoir une recherche dynamique et qui fait vraiment reculer les frontières du savoir. Lors de l’ouverture du congrès international de mathématiques de 1998, David Mumford, alors président de l’Union Mathématique Internationale, avait écrit un article intéressant, dans lequel il se préoccupait de la tendance croissante des gouvernements à vouloir contrôler étroitement la recherche. Avec le gouvernement de Nicolas Sarkozy, nous sommes en plein dans la politique dénoncée par Mumford…
C’est pour cela que l’individualisation à laquelle le gouvernement tente de nous soumettre est absurde. Pour avoir des médailles Fields, il faut attirer beaucoup de jeunes brillants, qui chacun à sa façon apportera sa pierre à l’édifice. De façon plus ou moins visible, mais toujours essentielle.
Selon Jean-Christophe Yoccoz, médaille Fields en 1994, Professeur au Collège de France:
La région parisienne est la première au monde par le nombre de mathématiciens actifs. Pour autant, cette situation favorable est loin d’être assurée pour le futur. Je vois deux dangers. D’une part, il faut s’assurer que les carrières de chercheur et d’enseignant-chercheur restent suffisamment attractives, que la différence avec les Etats-Unis ne s’amplifie pas au point d’y attirer trop de nos jeunes chercheurs. D’autre part, l’un des points forts pendant longtemps de notre système éducatif –la détection efficace du talent mathématique– est mis à mal par les soubresauts du système. »
J’ai été plusieurs fois ulcérée par des réflexions « beauf-UMPiste » de base, genre « chercheur, pas trouveur », que je trouve typique de la mentalité mesquine néo-libérale de ceux qui n’ont aucune idée de cette activité, rustres méprisant l’intelligence et le savoir, jetant le soupçon de parasitage social sur ceux qui n’ont pas les mêmes valeurs qu’eux. Ainsi, ils veulent faire valoriser les chercheurs « au mérite », valorisant une logique individualisée et stupidement comptable, les fameux « critères d’évaluation ».
Un classement européen, destiné à informer les étudiants en master ou en doctorat, bien que ne voulant pas jouer au « palmarès », donnent un nouveau signe de reconnaissance à Paris XI
L’Université Paris-Sud 11 au tableau d’excellence
Le CHE (Centrum für Hochschulentwicklung, Centre pour le développement de l’enseignement supérieur) vient de publier son « classement d’excellence » européen 2010.
L’université Paris-Sud 11 figure dans le « groupe d’excellence » pour les quatre disciplines retenues cette année : biologie, chimie, physique et mathématiques.
Références
Médaille Fields 2010: communiqué de presse (pdf)
Recherche, mode d’emploi
Lettre ouverte sur les « investissements d’avenir »
Le Conseil scientifique du CNRS dénonce la «destructuration»
Et pour le plaisir, quand même:
Il n’y a pas que les mathématiques qui souffrent : c’est tout simplement une tendance « lourde », il faut « rapporter » économiquement…
C’est en totale contradiction avec la notion de recherche fondamentale. Pour l’exemple, le frère d’une copine a pour ainsi dire mis près de 20 ans à comprendre pourquoi les graines de tournesol étaient positionnées de la sorte sur la fleur … et a réussi à en tirer un « bénéfice » pour l’ensemble de la société.
J’aimerai bien savoir ce qu’il advient des réflexions et proposition du groupe « la science en danger ».
Et puis, histoire de polémiquer, si « les sciences », c’est bien, trop de « mathématiques » au détriment des « sciences humaines » est un risque de dérive totalitaire. L’histoire du XXè s. est là pour nous le rappeler.
Mamouchka.