Examen des articles relatifs au Plateau de Saclay
Voici un résumé en plusieurs parties de la séance du 26 avril au Sénat, relative au projet de loi du Grand Paris. Il est issu du Compte rendu analytique officiel du 26 avril 2010. Cette séance est dédiée principalement à l’aménagement du Plateau de Saclay.
Des extraits des interventions des sénateurs sont donnés en citation.
Demande d’annulation de la procédure accélérée
L’examen du projet de loi fait l’objet d’une procédure d’urgence. La demande de levée de cette procédure n’a pas été acceptée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Je souhaite, monsieur le président, que vous transmettiez au président du Sénat notre demande solennelle de voir annulée la procédure accélérée sur le texte relatif au Grand Paris. La CMP, qui a été repoussée, n’examinera que la version du Sénat, qui diffère très sensiblement de celle de l’Assemblée nationale. Les députés ne pourront en débattre. Rien n’impose cette procédure, dans ce cas comme dans bien d’autres.
M. le président. – La procédure accélérée ne peut être levée, mais elle peut ne pas être utilisée. La suite du débat dira ce qu’il en sera.
Réseau hydrographique: amendement demandant une étude d’impact
Un amendement additionnel portant sur l’étude d’impact concernant le réseau hydrographique a été proposé
Amendement proposé: Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi n° …du … relative au Grand Paris, un rapport sur l’impact des projets envisagés concernant l’aménagement du plateau de Saclay sur son réseau hydrographique. Ce rapport doit avoir démontré l’absence d’effet dommageable sur le réseau hydrographique du plateau et dans les vallées concernées par l’écoulement des eaux du plateau avant de réaliser les aménagements envisagés.
M. Bernard Vera. Nous abordons un problème spécifique au plateau de Saclay, son réseau hydrographique, sujet ignoré par le texte initial, mais soulevé par la commission spéciale. Nous devons anticiper. La seule implantation d’une gare induit une urbanisation accrue, l’imperméabilisation des terres et une augmentation du volume des eaux de ruissellement à traiter. L’expérience nous incite à la prudence : les travaux routiers exécutés sur le plateau ont déjà provoqué une irréparable rupture de la continuité hydraulique.
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur – L’amendement est inopportun, car l’établissement public de Paris-Saclay devra veiller à la préservation du patrimoine hydraulique.
M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale. – Les projets d’aménagement dureront plusieurs années. Un cabinet de conseil dirigé par un architecte paysagiste accompagnera pendant six ans les travaux. J’ajoute que le Parlement peut solliciter toute information utile.
Avis défavorable.
M. Bernard Vera. – J’insiste. L’étude d’impact environnemental est très insuffisante. La directive européenne du 27 juin 2001, applicable en l’espèce, dispose que l’évaluation environnementale doit être effectuée pendant l’élaboration du programme et antérieurement à la procédure législative.
Article 20: Dispositions relatives à l’établissement public de Paris-Saclay (création)
Plusieurs sénateurs demandent la suppression de cet article, remettant en cause le projet tel que proposé.
Les principaux motifs sont liés au non-respect par l’Etat des prérogatives de la Région et des collectivités territoriales, le périmètre étendu sur 49 communes (trois fois la surface de Paris), les lacunes en terme de transport et de logement, la menace sur les terres agricoles, le manque de concertation.
Le problème de la gouvernance du projet est également abordé, avec mention de l’opposition des quatre communautés d’agglomération concernées. Un dialogue est demandé. Certaines interventions estiment que les communautés territoriales existantes sont à même de prendre en charge le développement du cluster, et en ont la légitimité démocratique.
Le déménagement de la faculté d’Orsay est mis en cause.
La méthode employée, la concentration et l’absence de concertation sont également mentionnés.
La gouvernance de l’Etablissement Public Paris-Saclay et ses pouvoirs, s’étendant sur l’ensemble du territoire national, font l’objet de vives remarques.
Mme Claire-Lise Campion. – Nous abordons la création de l’établissement public Paris-Saclay, qui provoque une rupture avec l’esprit des lois de décentralisation. L’État cesse d’être le partenaire des collectivités territoriales, alors que le Grand Paris devrait s’inscrire dans le schéma de développement de la région Île-de-France. Les dispositions relatives au plateau de Saclay sont vécues comme une marque de défiance supplémentaire, alors que les Franciliens ont plébiscité en mars l’équipe sortante du conseil régional.
L’établissement public couvrira quarante-neuf communes de l’Essonne et des Yvelines, sur une superficie de 37 500 hectares, triple de celle de Paris. Rien ne justifie qu’il y exerce des compétences attribuées aux collectivités locales par les lois de décentralisation. Et ce, d’autant moins qu’un décret en Conseil d’État du 3 mars 2009 a défini un périmètre inférieur à 7 700 hectares qui ne concerne que 27 communes…
Mme Catherine Tasca. – Cet article est emblématique du projet de loi. L’Île-de-France s’honore d’héberger de nombreux établissements scientifiques de haut niveau, des universités prestigieuses et des entreprises de haute technologie, notamment à Saclay. Il est légitime de vouloir relier le plateau à d’autres pôles de développement mais nous récusons la philosophie qui préside à ce texte. La superficie couverte est excessive. Aux lacunes des transports s’ajoutent celles relatives au logement. En outre, les terres agricoles sont menacées. Il y a là matière à concertation.
Enfin, c’est notre principal grief, la gouvernance de l’établissement public, d’un autre âge, est contreproductive : à rebours de la décentralisation, elle organise le retour sans partage de l’État en marginalisant élus et citoyens dont l’adhésion est pourtant indispensable au XXIe siècle.
Le plateau a une histoire que vous ne pouvez ignorer. Les quatre intercommunalités concernées s’opposent à un projet qui néglige leurs efforts et les opérations structurantes qu’elles ont engagées. Nous demandons un véritable dialogue avec les collectivités territoriales.
Amendements de suppression
M. Bernard Vera. – Si l’intervention de l’État est légitime, il n’est pas concevable qu’il détienne seul la maîtrise de l’aménagement sur le plateau de Saclay… on s’apprête à faire déménager l’université Paris Sud sans aucune concertation. Le Gouvernement impose sa conception du pôle, en négligeant les besoins de la population. La création d’un établissement public n’est pas nécessaire pour créer des synergies dans un cluster qui existe déjà, fruit de cinquante ans d’histoire.
Mme Dominique Voynet. – L’établissement de Paris Saclay ne présente pas d’intérêt car les collectivités territoriales et les communautés d’agglomérations n’en ont pas besoin pour aménager leur territoire. Votre projet dépossède les collectivités territoriales au profit d’un établissement dépourvu de légitimité démocratique.
Le plateau de Saclay ne sera pas une Silicon Valley française, ne serait-ce que par ses dimensions. C’est en outre la matière grise qui a suscité le développement, on ne l’a pas fait venir artificiellement. Le déménagement de la faculté d’Orsay sera inutilement coûteux.
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. – L’article 20 est nécessaire au développement du pôle universitaire et technologique. Avis défavorable aux amendements de suppression.
Mme Dominique Voynet. – Pour avoir été ministre de l’aménagement du territoire, je sais la nécessité pour les entreprises, les universités et les collectivités d’avoir des liens de confiance et de coopérer, mais il ne faut pas faire les choses à l’envers ! Vous voulez délocaliser autoritairement des universités et des activités. Mieux vaudrait partir des objectifs.
M. Bernard Vera. – Nul ne conteste la nécessité d’une action de l’État, mais le concept de cluster est critiquable. La proximité géographique ne suffit pas à développer des synergies. Nous sommes tous très attachés à ce territoire, dont nous avons rencontré les élus. Chercheurs et scientifiques s’inquiètent des orientations à venir de la recherche et craignent d’être soumis aux intérêts à court terme des grands groupes.
Mme Nicole Bricq. – Nous estimons avoir besoin d’un débat sérieux sur les moyens de la compétitivité. Je regrette l’application de la procédure accélérée car il faut discuter du cluster. Dommage que le groupe UMP ne s’exprime pas.
J’ai cité le rapport de M. le ministre car il traitait de sujets pertinents pour le plateau de Saclay. Il ne faut pas le couper de son environnement, il ne faut pas en faire une forteresse. Notre débat concerne la région, organisatrice des transports, et les autres intercommunalités existantes sur le plateau de Saclay.
M. Jean-Pierre Caffet. – Nous ne sommes pas radicalement opposés à une certaine concentration des moyens, donc à la création d’un établissement public. Nous ne voterons donc pas les amendements de suppression. Nous avons pu amender l’article 20 pour qu’on y parle d’impulsion et de coordination.
En revanche, les pouvoirs confiés à l’établissement public méritent d’être discutés. De même, l’intervention de cette structure sur l’ensemble du territoire serait stupéfiante. Vient enfin la gouvernance de l’établissement : nul ne comprend comment il fonctionnera.
Oui à un pôle scientifique et technologique de cette envergure, mais sous des conditions non satisfaites.
En outre, il ne faut pas pénaliser la région en concentrant trop de structures autour de Saclay.
Amendement sur le périmètre
Mme Catherine Tasca. – Alors que le projet d’aménagement du plateau de Saclay devrait se concentrer essentiellement sur le territoire visé par le plan campus, le périmètre de l’Epic Paris-Saclay retenu dans le présent projet de loi porte sur un territoire de 49 communes sises dans les départements de l’Essonne (29) et des Yvelines (20), sans qu’on sache pourquoi.
Si le développement scientifique et économique ainsi que l’aménagement du plateau de Saclay représentent un intérêt national évident en termes scientifiques, rien ne justifie qu’un territoire aussi vaste d’Epic légalement institué exerce en lieu et place des collectivités territoriales nombre de compétences transférées par les lois de décentralisation, mettant en cause leur autonomie d’autant plus que, si les collectivités visées auront leur place dans le conseil d’administration de l’Epic, la présente loi pose que le commissaire du Gouvernement pourra à lui seul s’opposer aux délibérations du conseil d’administration. L’État aura toujours le dernier mot
A suivre…