Un exposé du projet, reprenant les présentations des organismes officiels, avec quelques points d’analyse et bases de réflexion.
Il ne s’agit pas d’un document reflétant les prises de position officielles du Modem sur le sujet.
Le contexte territorial du projet : Le Plateau de Saclay
Positionnement
Situé à moins de 20 km de Paris au sein de la Région capitale, le plateau de Saclay est un site stratégique qui bénéficie d’un potentiel scientifique et technologique important.
Le plateau de Saclay se trouve au centre d’une vaste zone urbaine de plus de 650 000 habitants, articulée sur quatre grands pôles situés dans un rayon de moins de 10 kilomètres et disposant de services de bon niveau : Massy-Palaiseau, Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines.
Le positionnement au sein de cette aire urbaine le place au carrefour de pôles économiques majeurs.
Enseignement supérieur et recherche: une concentration exceptionnelle
Le territoire du Plateau de Saclay (Orsay compris) présente une concentration exceptionnelle en terme d’enseignement supérieur et de recherche :
- 47 000 étudiants, y compris les doctorants
- 17 000 employés de la recherche publique, soit 10 % de l’effectif français
- 20 000 employés de la recherche privée, soit 10 % de la R&D privée française
- Trois pôles de compétitivité (System@tic, MOV’EO et Medicen) et deux RTRA (Réseaux Thématiques de Recherche Avancée, Digitéo et le Triangle de la physique) font l’objet d’implantations importantes sur le plateau.
Géographie
Le plateau de Saclay possède un vaste espace à vocation agricole et naturelle. Les terres agricoles du plateau sont parmi les plus fertiles d’Europe.
Il surplombe les vallées de la Bièvre, de la Mérantaise et de l’Yvette.
Le territoire est d’une grande richesse naturelle et patrimoniale. Ainsi un réseau de rigoles, hérité du XVIIe siècle et dû à l’ingénieur Thomas Gobert, traverse le plateau.
De grandes forêts domaniales et des coteaux boisés occupent ses pourtours.
Les transports en commun « lourds » sont implantés en contrebas du plateau.
Les vallées sont soumises à des risques d’inondations.
Opération d’Intérêt National Paris-Saclay
L’Opération d’Intérêt National (OIN) Paris-Saclay a pour objectif l’émergence d’un cluster scientifique et technologique de premier rang.
Une OIN est un dispositif juridique qui permet à l’État de garantir sur un territoire particulier et dans la durée, la réalisation d’un projet d’aménagement répondant à des enjeux nationaux.
Un cluster est « un groupe d’entreprises et d’institutions partageant un même domaine de compétences, proches géographiquement, reliées entre elles et complémentaires » (Michel Porter, professeur à Harvard, 1999).
Objectifs, enjeux et principes affichés
- Projeter sur le terrain le triangle de la connaissance, enseignement, recherche, innovation
- Trois enjeux majeurs
- développer la synergie entre universités, écoles,centres de recherche (publics et privés)
- augmenter significativement la création d’entreprises et d’emplois
- créer un cadre de travail et de vie attractif
- Principes d’aménagement
- Préserver l’espace naturel et l’activité agricole
- Créer des pôles attractifs mixant établissements supérieurs, recherche, activités économiques, habitat, services
- Appliquer les principes d’économie d’espace et de compacité
- Concilier urbanité et nature
(P.Veltz: La présentation du territoire (pdf))
Plateau de Saclay: Opération Campus
- Projet phare du sud du plateau.
- Elaboré par la Fondation de Coopération Scientifique, représentant 23 acteurs, dont les deux Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES),
- Prévoit l’implantation de nombreux établissements d’enseignement et de recherche et d’équipements mutualisés sur la frange sud du plateau
- Déménagement de l’Université Paris-Sud de la vallée vers le plateau
Le site de référence pour les aspects « plan campus » est: « Campus du plateau de Saclay »
Plateau de Saclay: Loi du « Grand Paris »
La création de l’Établissement Public de Paris-Saclay (EPPS) est l’objet du Titre V de la loi.
Cet établissement est doté d’une structure juridique d’un nouveau type,dont le PDG est nommé par décret.
La compétence de l’EPPS couvre le développement économique, la valorisation scientifique et l’aménagement de ce territoire
Il peut intervenir via des filiales (contrôle?) sur d’autres territoires.
Son territoire de compétence s’exerce sur 49 communes (650 000 hab)
Sa gouvernance associe des représentants de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, de la communauté scientifique et des milieux économiques.
Quatre collèges sont institués, dont un pour les élus. Ces derniers sont minoritaires, avec peu de moyens d’action en cas de désaccord avec les décisions du PDG.
L’EPPS pourra déroger aux règles d’urbanisme ou d’organisation des transports. Il pourra acquérir des terrains sur tout le territoire, et créer des filiales.
Loi du Grand Paris est votée en procédure d’urgence . Cela semble injustifié, surtout pour un projet aussi engageant sur l’avenir.
La question de la préservation de l’activité agricole reste posée. Bien qu’affichée officiellement, des doutes subsistent sur la volonté et les moyens mis en œuvre pour permettre le maintien économique de cette activité (« environ » 2300 hectares, station de métro dans les champs)
Référence: Sénat, Projet de loi relatif au Grand Paris
Analyse du projet Plateau de Saclay
Une logique contestable est à la base du projet de Saclay:
- Une « Silicon Valley » française :
- Le modèle n’est pas ou plus forcément pertinent
- Les échelles spatiales sont différentes
- L’environnement et la culture sont différents
- Centralisation et concentration
- « Grand Paris » opposé à la province
- Concentration des pouvoirs et de le population, au détriment de la qualité de vie
- Ce projet peut donner à la France une visibilité internationale
- Spectre du « classement de Shanghaï », pas adapté à la structure française enseignement supérieur et instituts de recherche.
- Un projet « pharaonique » peut tout résoudre, et l’Etat doit tout y diriger.
- Aspect « magique » de la solution « clusters + metro automatique »
- Les financements envisagés sont gigantesques, pour un bénéfice non garanti
- Concentration des pouvoirs sur la recherche scientifique et sur l’aménagement du territoire dans les mains d’un PDG
Et la démocratie ?
Alors qu’il s’agit d’une opération fondatrice
- Au niveau économique
- Au niveau de la stratégie en matière d’enseignement supérieur et de recherche
- En terme de vision d’aménagement du territoire, au niveau national et régional (concentration, ville-monde)
- En terme de gouvernance du territoire et de la politique d’innovation
- Au niveau européen
Le débat est inexistant ou étouffé.
Cet aménagement procède d’une vision technocratique et bureaucratique. Les méthodes et les moyens employés en sont le reflet. Les projets demeurent opaques.
Citoyens et acteurs ne sont pas informés ou impliqués dans le débat
Il n’y a pas de retour sur les postulats qui sont à la base de l’opération:
- Cluster:
- Adéquation aux évolutions des modes d’interactions entre les acteurs de l’innovation (cohérence préconisation effet « cafeteria » quand les entreprises délocalisent leur R&D) ?
- L’échelle envisagée (hyper-concentration) semble abérrante.
- Prise en compte du Développement Durable ?
- Grenelle de l’environnement, maintien de l’agriculture de proximité: projet « verdi » plutôt que construit sur ces nouvelles bases.
- La concertation est un élément du développement durable (Arrhus)
Principes de réflexion et d’action
- Favoriser l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation
- Favoriser la création et le développement d’entreprises innovantes
- Proposer un avenir durable au Plateau de Saclay
- Ceci comprend:
- Le développement d’un projet Campus « raisonnable »
- Trouver une véritable fonction dans le respect de cet espace exceptionnel
- Le faire en concertation
- Le suivi et le contrôle du projet scientifique et technologique en regard des moyens engagés (avec validation par les pairs)
- Levier d’action : le Conseil Régional
- Le Conseil régional d’Île-de-France intervient sur le plateau notamment via ses compétences en matière d’éducation, de développement économique, de transport et de planification (SDRIF).
Quelques propositions et axes de réflexion
- Gouvernance et concertation
- Assurer une gouvernance partagée, avec droit de regard de l’Assemblée Nationale et contrôle indépendant.
- Associer les élus territoriaux, les enseignants, les chercheurs, les salariés, les associations locales et les agriculteurs aux décisions et à la gouvernance
- La réflexion entre les projets urbains et de déplacements doit être menée conjointement.
- Préservation zone agricole
- Permettre le développement de l’agriculture périurbaine (2300 hectares contigus pour exploitation agricole)
- Assurer la gestion hydraulique du plateau
- Utiliser le système des rigoles comme l’une des structures paysagères identitaires réconciliant nature et artifice.
- Transports et déplacements
- Rénovation du réseau de transport en fond de vallée (RER B et C)
- Desserte préalable à l’urbanisation de ce territoire
- Mise en place d’un réseau de circulations douces
- Stratégie d’aménagement
- Insérer les aménagements dans leur environnement naturel et urbain, notamment en lien avec la vallée.
- Université d’Orsay
- Réévaluer le déménagement de l’Université Paris XI, de la vallée (Orsay, Bures) vers le plateau, avec l’ensemble des parties prenantes et des études sérieuses et adaptées au contexte
Histoire de dérider un peu le sujet, vous imaginez-vous voir nommé par décret le candidat malheureux à la présidence de l’EPAD ?…
Mamouchka.